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*La certification qualité a été délivrée au titre : actions de formation

Article paru dans TICpharma le 10/07/2024

Les nouvelles méthodologies de recherche clinique ont un intérêt indéniable, mais ne remplaceront pas le « gold standard » qu’est l’essai randomisé contrôlé, est-il ressorti d’échanges lors de la première Journée du futur de la recherche clinique organisée par l’Agence de l’innovation en santé (AIS), fin juin à Lille.

ETUDES
« Le gold standard reste le meilleur outil pour évaluer la causalité et la balance bénéfices-risques, il n’est pas question de le remettre en cause », a rappelé Rémy Choquet, directeur des données médicales de Roche France.
Cependant, « on peut s’interroger sur l’intérêt d’évaluer la balance bénéfices-risques différemment dans certains cas », notamment « quand le critère de survie globale n’est pas atteint, mais celui de survie sans progression oui », a-t-il ajouté. Il a également listé les cas où « le bras comparateur n’est pas ou plus pertinent », la « gestion de certaines comorbidités exclues de certains essais », le manque de patients dans les maladies rares ou les mutations rares, ou encore « la transposabilité à des
populations locales d’essais internationaux ». L’évaluation des candidats médicaments « s’arrête trop souvent au critère principal », et « devrait prendre en compte tous les
autres », en particulier la qualité de vie, a déclaré François Lamy, vice-président de l’AFM-Téléthon.
« Ça change: la Food and Drug Administration [FDA] a rendu un avis positif à une thérapie génique dans la myopathie de
Duchenne qui n’avait pas atteint son critère principal », a-t-il ajouté.
La FDA a accordé une extension d’autorisation de mise sur le marché (AMM) à Elevidys (delandistrogene moxeparvovec, avec Roche) pour inclure les personnes d’au moins 4 ans atteintes de dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) avec une mutation confirmée dans le gène DMD la semaine dernière.
Dans une phase III randomisée versus placebo, la thérapie n’a pas atteint le critère principal, mais elle a obtenu des résultats significatifs sur plusieurs critères secondaires.
« Il faut se poser la question du risque zéro », a développé le représentant de l’AFM-Téléthon. « Les agences ne veulent mettre sur le marché qu’un médicament sûr et efficace à 100%, mais c’est impossible dans les maladies rares. Les patients sont prêts à prendre ce risque. Les agences doivent s’ouvrir à une évaluation au-delà du critère principal. »
Essais à bras synthétiques, bras augmentés par des données externes, essais hybrides, essais in silico, données de vie réelle… Les progrès technologiques, et en particulier l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA), multiplient les possibilités de nouveaux designs d’essais cliniques, a relaté Louise Baschet, directrice du département méthodes de recherches avancées de la société de recherche sous contrat Horiana.
« On peut aussi croiser les modèles, par exemple un essai augmenté avec des patients synthétiques ». Toutefois, « il reste beaucoup de barrières à lever » pour que ces designs d’essais se répandent, « notamment sur la validation des modèles et la qualité des données ».
« Les techniques innovantes ne vont pas remplacer les ingrédients initiaux » de la recherche clinque, donc « il faut des données de qualité », a insisté le Dr David Devos du CHU de Lille. Les agences sanitaires « ont besoin de transparence sur la méthodologie, les outils d’IA et les données de départ », a relevé Valérie Denux, directrice Europe et innovation de l’Agence nationale de sécurité du médicaments et des produits de santé (ANSM).
« Les cadres méthodologiques doivent être bien discutés et compris par les régulateurs. Si on sait apporter la preuve et l’expliquer, les agences sont très ouvertes, y compris la Haute autorité de santé [HAS] ». L’Agence européenne du médicament (EMA) « ne dit pas non à certaines méthodologies », a abondé Andrew Thomson,
statisticien à l’EMA. « La porte est ouverte », sous réserve du respect des lignes directrices de l’agence.
Outre la qualité, « de très grandes bases de données sont nécessaires pour avoir suffisamment de patients », a ajouté Thomas Filleron, chef du département biostatistique de l’Oncopole de Toulouse. Dans le cancer, une fois éliminés les patients ne remplissant les multiples critères d’inclusion, une base de données de 30.000 patients peut contenir moins d’une centaine de profils utilisables, a-t-il relaté.

Les industriels demandeurs
Le directeur médical de Novartis France, Patrick Meshaka, a plaidé pour « une meilleure prise en compte des méthodologies innovantes », dont les comparaisons avec des cohortes et l’évaluation in silico, par les agences sanitaires. « Si l’EMA commence à accepter plus de données cohortes, ça reste moins fréquent que la FDA », a-t-il ajouté.
En France, « la HAS a une vision très faible de l’utilisation des données de vie réelle. Il est rare qu’elle les considère, même si c’est en train de changer. »
Le bilan de la nouvelle doctrine de la HAS est « très maigre », a ajouté Corinne Blachier-Poisson, présidente d’Amgen France. Il n’y a eu « qu’une seule modification d’ASMR sur la base de nouvelles données de vie réelle ».
En septembre 2023, la commission de la transparence (CT) a relevé la note d’amélioration du service médical rendu (ASMR) de l’anticancéreux Libtayo (cémiplimab, Regeneron) à partir de données de comparaison indirecte « de bonne qualité méthodologique « , comme le lui permet sa doctrine depuis février 2023.
Corinne Blachier-Poisson a noté « un écart grandissant entre l’EMA, de plus en plus demandeuse d’études innovantes, et des agences nationales assez précautionneuses ».
L’entrée en vigueur, à partir de 2025, de l’évaluation commune de médicaments en Europe laisse penser aux industriels « qu’on va aller vers une convergence avec l’EMA », a-t-elle espéré.
De son côté, le président du collège de la HAS, Lionel Collet, a rappelé que l’agence était « attentive » aux nouvelles méthodologies, citant les nouveaux travaux sur les conditions du « pari » de l’accès précoce.
Toutefois, « la qualité des dossiers n’est pas toujours au rendez-vous », et la solidité de la méthodologie laisse souvent à désirer,a-t-il souligné.

Léo Caravagna
leo.caravagna@apmnews.com