*La certification qualité a été délivrée au titre des catégories d’actions suivantes :
actions de formation

Suspension des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou des inhibiteurs de l’angiotensine II avant chirurgie : dans quelles situations et dans quel délai ?

Gilles Godet (Rennes)

Les IEC, ARA2 et inhibiteur de la rénine (INH) sont indiqués dans le traitement de l’HTA, dans le post-infarctus, chez l’insuffisant cardiaque et chez certains insuffisants rénaux.

Leur suspension préopératoire est recommandée du fait qu’ils majorent deux risques : celui d’une hypotension per-anesthésique et celui de dégradation de la fonction rénale. Pourtant les avis divergent quant aux situations et quant au délai de cette suspension.

Les INH sont responsables d’hypotension profonde sous anesthésie. La correction de ces épisodes d’hypotension fait appel à différents vasoconstricteurs, mais, pour diminuer la fréquence et la profondeur de ces épisodes d’hypotension, il est suggéré de suspendre leur administration avant l’anesthésie, dans un délai d’au moins 12 heures (Recommandations SFAR (1) ; Grade 1, Accord fort). La suspension de ceux-ci est d’autant plus sûre qu’elle ne s’accompagne d’aucun effet-rebond.

Etrangement, cette suspension, licite quand le médicament est utilisé dans le traitement de l’HTA ou le post-infarctus, n’est pas recommandé chez les patients insuffisants cardiaques, alors qu’on peut penser que les effets additifs entre INH et agents de l’anesthésie sont indépendants de l’indication de l’INH.

Un autre élément important concerne l’effet de ces INH sur la fonction rénale, effet qui n’est pas univoque. Ces médicaments exposent au risque d’insuffisance rénale, surtout en cas de sténose de l’artère rénale, car ils inhibent la vasoconstriction post-glomérulaire (artériole efférente), pourtant nécessaire au maintien de la pression de filtration. Mais ils peuvent être prescrits chez l’insuffisant rénal car ils diminuent la protéinurie, notamment chez le patient diabétique. Ils peuvent améliorer le débit sanguin rénal chez le patient insuffisant cardiaque, contribuant à améliorer la fonction rénale. Dans un contexte opératoire, les INH peuvent être délétères, notamment dans deux situations : chirurgie avec état circulatoire instable, procédure avec utilisation de produits de contraste iodés. C’est pourquoi, les Recommandations SFAR (2) de 2005 incitent à interrompre les inhibiteurs 48 heures avant les procédures avec forte probabilité d’instabilité hémodynamique et avant celles faisant appel aux produits de contraste (grade E). La suspension des INH reste recommandée dans l’actualisation de ces Recommandations en 2016 (Avis d’experts, Accord fort) (3) mais le délai de cette suspension n’est plus abordé.

Que la justification de la suspension de ces molécules soit motivée par le risque d’hypotension ou celui d’insuffisance rénale, on doit noter que ces molécules ont une demi-vie très variable. Cette demi-vie dépend de leur fixation protéique, de leur élimination rénale, de leur dégradation éventuelle en métabolites actifs, alors que, par ailleurs, ils bloquent l’enzyme de conversion de manière plus ou moins prolongée. On définit ainsi une demi-vie terminale d’élimination pour chaque molécule (Tableau ci-dessous).

Tab Godet

En fait, cette grande variabilité des demi-vies des différentes molécules rend difficile le choix du délai de suspension. Alors qu’il existe un facteur 10 entre les plus courtes et les plus longues des demi-vies, il paraît licite de ne pas standardiser ce délai à 12 heures pour tous les médicaments de ces catégories. A noter que ce délai de 12 heures, recommandé par la SFAR, ne s’appuie sur aucune publication exhaustive, mais essentiellement sur des travaux portant sur des molécules à demi-vie très courte (captopril). Un délai de suspension optimale voisin de 2 demi-vies parait inapplicable compte-tenu du grand nombre de spécialités existantes. Un délai de 48 H semble un bon compromis, notamment avant les gestes chirurgicaux à risque d’instabilité hémodynamique, ou lors des procédures endovasculaires faisant largement appel aux produits de contraste. Leur reprise postopératoire ne doit se faire qu’après contrôle de la fonction rénale.

Reférences

  1. Gestion du traitement anti-plaquettaire oral chez les patients porteurs d’endoprotheses coronaires. Recommandations formalisées d’experts, SFAR 2010.
  2. La protection rénale périopératoire. Conférence de consensus. SFAR 2004.
  3. Insuffisance rénale aiguë en périopératoire et en réanimation (A l’exclusion des techniques d’épuration extrarénale). Recommandations formalisées d’experts, SFAR 2016.