Cela faisait plusieurs années que tu te battais, résistais tant bien que mal à toutes les graves complications de cette redoutable maladie, qui t’a finalement terrassée le 10 avril à La Pitié, dans ton hôpital de toujours.
Nous, tes amis, tes collègues, savions combien tu endurais de terribles épreuves, ponctuées de multiples hospitalisations et séjours en réanimation, dont tu réussissais à ressortir presque par miracle. Bien que connaissant le pronostic de cette maladie, nous étions confiants dans ta force et on espérait encore et toujours te revoir lors d’un prochain congrès.
Dans les années 80, quelques anesthésiste en chirurgie cardiaque se sont intéressés aux balbutiement de l’ECMO, qui n’était alors que le prolongement de la CEC pendant plusieurs heures au bloc, puis jours en réanimation, avec un matériel que nous inventions et améliorions à chaque fois.
Parmi nous, tu a été le pionnier de l’assistance cardiaque mécanique de l’adulte et nous avons vu cent fois la photo, dont tu étais légitiment très fier, de ton garage de machines d’assistance mécanique dans le service de La Pitié.
Tu disais souvent que tu avais eu la chance de travailler avec un chirurgien tel que le Professeur Christian Cabrol, pionnier de la greffe cardiaque et du cœur artificiel.
Nous pensons que l’équipe de chirurgie cardiaque de La Pitié a eu de la chance de t’avoir pendant plus de 35 ans et de bénéficier de ton comportement exceptionnel.
Nous savons qu’il t’a fallu passer beaucoup d’heures, de jour comme de nuit en garde, auprès des patients assistés, quelque soit l’appareil, pour comprendre la physio-pathologie de l’assistance, son management, découvrir les complications inhérentes, et trouver les stratégies efficaces pour mener les patients à bon port, soit pour être sevré, soit pour être transplanté…
Tous connaissent le syndrome d’Harlequin qui peut survenir lors d’une Ecmo périphérique, mais bien peu savent que c’est toi qui l’a découvert et expliqué le premier. Bien que non universitaire, tu as participé à un grand nombre de publications, tu as présenté dans de nombreux congrès internationaux et surtout enseigné en continu que ce soit auprès des patients ou à la faculté.
Le DU Coeur artificiel et assistance circulatoire que tu as créé, il y a plus de 20 ans, et dirigé jusqu’à maintenant, est le parfait exemple de ta volonté résolue de former et de transmettre savoir et expérience à tous.
Ton calme et ta gentillesse légendaire, tes explications posées et patientes, tes présentations didactiques, nous ont toujours impressionné, et particulièrement dans ces derniers temps, où nous te savions fatigué.
Si l’ECMO et l’assistance cardiaque de l’adulte se sont autant développées, tu en es certainement l’un des plus grands responsables. La conséquence, de ton activité dans ce domaine, est que tu as motivé et entrainé dans ton sillage des générations d’anesthésistes-réanimateurs à l’assistance cardiaque.
Dorénavant, faire ou parler d’ECMO et de cœur artificiel, ce sera immanquablement, penser à toi…
Philippe Mauriat