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Les concepts de la RAC au service de la prise en charge de l’épidémie COVID-19 dans un établissement privé

Olivier DESEBBE, Alexandre Vulliez, et Thomas Lanz

Département d’Anesthésie et de Médecine péri-opératoire

 Groupe Ramsay Santé, clinique de la Sauvegarde, Lyon

La pandémie COVID 19 a entrainé un afflux massif de patients dans les structures médicales et a parfois saturé les hôpitaux dans les premières zones touchées (Alsace, Ile de France actuellement). Une des causes a probablement été l’absence de coordination précoce entre les différentes structures hospitalières privés et publiques, les patients étant orientés vers d’autres régions malgré la disponibilité des cliniques (https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/31/dans-la-lutte-contre-le-coronavirus-le-prive-se-sent-encore-sous-utilise_6034978_3244.html). Nous décrivons dans ce court document notre réorganisation structurelle pour faire face à la pandémie COVID-19.

Dès fin février 2020, plusieurs réunions entre

l’ARS Auvergne Rhones-Alpes (ARA), le CHU de Lyon et les établissements privés ont permis de planifier le rôle de chaque structure, par la création de « HUBs » médicaux regroupant plusieurs établissements publiques et privés sur un même territoire (https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/coronavirus-gestion-lits-covid-hospices-civils-lyon-se-preparent-arrivee-vague-epidemique-1809228.html). Disposant d’un service d’accueil des urgences et d’une réanimation, la clinique de la Sauvegarde a été mandatée par l’ARS pour accueillir les patients COVID-19.

Notre clinique compte habituellement 54 places d’ambulatoire, 30 lits de médecine, 71 lits de chirurgie, 12 lits de soins continus, 8 lits de réanimation et 8 lits de soins intensifs cardiologique. La réorganisation de la clinique a été basée sur la séparation en deux zones géographiques. Nous avons sanctuarisé la première aile de notre établissement afin de prendre en charge les patients non-covid et poursuivre les activités d’urgences chirurgicales, cardiologiques, médicales et de cancérologie. La seconde aile de notre établissement a été dédiée à la prise en charge des patients COVID-19, nécessitant la déprogrammation de toutes les interventions non urgentes, afin de créer :

* Un service ex nihilo urgences COVID-19, avec circuit totalement différencié, et un déchocage dédié,

* Un service d’hospitalisation médicale de 60 lits,

* Un service de réanimation spécifique de 24 lits (avec une zone distincte de 6 lits permettant de recevoir les urgences postopératoires chirurgicales ou médicales).

En outre, un service de suivi connecté des patients à domicile (suivi post-urgences ou post-hospitalisation) a été mis en place par une équipe mixte médicale et paramédicale. Enfin, le bloc opératoire a aussi été repensé pour éviter toute contamination entre la filière COVID et celle non COVID. En l’espace de 21 jours, nous avons ainsi pu façonner ces 2 entités.

Ci-dessous les différentes étapes chronologiques de la réorganisation de notre établissement :

– 28 février : première cellule de crise COVID-19;

– 14 mars : installation d’un sas d’accueil COVID aux Urgences;

– 16 mars : arrêt de la chirurgie programmée, création de 8 lits médicaux dédiés COVID, dont 2 en réanimation;

– 18 mars : intégration de notre établissement dans le « hub » Lyon Nord, avec la clinique du Val d’Ouest, transfert de l’activité de chimiothérapie pour laisser place à un accueil d’urgences spécifique des suspects COVID, ouverture de 30 lits médicaux dédiés COVID, mise en place du suivi à domicile;

– 20 mars : extension à 16 lits de réanimation;

– 23 mars : installation de 15 lits médicaux dans une autre clinique appartenant au « hub » Lyon NORD pour transfert des patients COVID en voie de guérison et avec perte d’autonomie ne permettant pas le retour à domicile immédiat;

– 25 mars : extension de secteur COVID à 21 lits de réanimation, et à 60 lits de médecine, création de 4 lits d’USIC identifiés en secteur médical télémétré;

– 3 avril : 24 lits de réanimation disponibles.

Cette restructuration interne sur 21 jours a été possible grâce à notre expérience de la réhabilitation améliorée après chirurgie (RAC) qui a mis en exergue plusieurs composants fondamentaux :

– Une libération rapide de nos capacités d’hospitalisation grâce à des DMS courtes dès la déprogrammation de l’activité chirurgicale élective;

– Un soin centré sur le patient : offrir le bon soin au bon moment au bon patient;

Par exemple, nous avons prédéfini pour les patients COVID-19 des critères objectifs d’hospitalisation en médecine, en réanimation et de suivi des patients ambulatoires : nous pouvons ainsi gérer au mieux la disponibilité des lits.  Pour les patients non COVID admis en urgence pour d’autres pathologies : nous avons favorisé l’admission à J0, le retour à domicile selon des critères cliniques préétablis et le suivi à domicile par réseau de ville en place habituellement.

– Une coopération transversale (et non verticale) étroite entre l’administration, le personnel paramédical et les praticiens permettant de prendre rapidement des décisions collégiales;

La rédaction commune de protocoles spécifiques à la prise en charge des COVID-19 (filières du matériel contaminé, procédure d’habillage, bilan biologique à l’arrivée des patients…), anticipation des non-indications de réanimation par une cellule éthique spécialement créée…

Une réévaluation quotidienne des besoins médicaux et de matériels par le recueil de la disponibilité du matériel (masques, protections, médicaments…) avec une approche de type Lean Six Sigma emprunté à l’industrie.

Résultats au 9 avril 2020 (graphique ci-dessous) :

Environ 50% des patients suspects COVID-19 ont été hospitalisés (dont 12% réadmis grâce au suivi téléphonique) avec une médiane d’âge de 71 ans (quartile 61-85). Environ un patient hospitalisé sur quatre a été admis en réanimation (pour oxygénothérapie à haut débit ou ventilation mécanique invasive). Sur les 13 décès actuels, 10 patients ont été limités sur le niveau de prise en charge ventilatoire. La mortalité des patients hospitalisées est actuellement de 13% avec un âge médian de 84 ans, (quartile 83-92. Le pourcentage de lits occupés a été au maximum de 75% en médecine et de 85% en réanimation. Ces éléments positifs sont à pondérer par : l’arrivée plus tardive de la pandémie dans la région ARA, l’effet bénéfique du confinement mis en place le 17 mars à l’échelle nationale, le rôle de la clinique en soutien du CHU (moins d’arrivée directe par le SAMU). Cependant, les Hospices Civils de Lyon ne semblent pas non plus saturés (https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/04/coronavirus-sous-pression-les-hopitaux-lyonnais-tiennent-le-choc_6035553_3244.html), ceci témoignant probablement d’une filière de soins et d’un maillage optimal entre les différents établissements partenaires.

En conclusion, notre expérience, au 9 avril 2020, est pour l’instant positive : l’anticipation de la réorganisation de la structure médicale par une collaboration étroite entre partenaires publiques/privés, administrations régionale/locale, redéploiement du personnel médical et paramédical, ainsi que la priorisation du chemin patient selon la gravité clinique et le niveau de soins éthique, ont permis de ne pas saturer notre établissement et d’adapter au mieux les soins individuels à une situation de crise sanitaire collective. L’avenir nous dira si ce modèle est pérenne tant sur le plan médical que sur le plan économique.