ARCOTHOVA la plateforme digitale d’information et de formation dédiée aux anesthésiste-réanimateurs de chirurgie cardio-vasculaire et thoracique

*La certification qualité a été délivrée au titre : actions de formation

du vendredi 4 avril 2025

Chaque année, des milliers de soignants font face à la mort dans leur quotidien professionnel… Les conséquences en termes de stress, d’épuisement et de burn-out sont loin d’être négligeables, mais souvent tues.

Sensibilisé au sujet par sa pratique de cardiologue, le Pr Thibaud Damy entreprend un Tour de France à pied. En reliant 7 hôpitaux, il souhaite sensibiliser les professionnels de santé, les patients et les familles aux conséquences des décès sur le personnel soignant, sur le fonctionnement des hôpitaux et sur la santé publique. N’hésitez pas à aller à sa rencontre.

Culpabilisation, banalisation, déni, colère sont autant de sentiments que peuvent ressentir les soignants au décès d’un patient, et ce, d’autant qu’ils vivent souvent la mort de « manière isolée ». Toutes ces émotions non communiquées et donc mal gérées peuvent devenir source de conflit au sein d’une équipe et générer des traumatismes allant jusqu’au syndrome de traumatisme post-traumatique.

« La mort reste un tabou chez les soignants »

« Chaque année, plus de 600 000 Français décèdent, dont 60 % à l’hôpital. Seuls 20 % des patients atteints de pathologies chroniques auront la chance d’être accompagnés par des équipes spécialisées en soins palliatifs, ce qui veut dire que 80 % sont pris en charge dans d’autres services hospitaliers », explique Thibaud Damy, cardiologue à l’AP-HP, GHU Henri Mondor, Créteil (94).

Toute mort a un impact émotionnel, mais dans le contexte hospitalier, celui-ci peut se faire sentir non seulement sur les proches de la personne décédée mais aussi sur les soignants, avec des conséquences possibles allant jusqu’à la désorganisation des équipes et du fonctionnement de l’hôpital.

« Même si nous la vivons au quotidien, la mort reste un tabou chez les soignants, considère le cardiologue. Il y a une culture de la rationalité dans le monde médical et parler de ses émotions n’est pas admis. »

Rien n’a changé depuis 2019

Intitulé « La mort à l’hôpital », un rapport de l’IGAS dressait dès 2009 un triste bilan de la prise en charge de la mort dans les établissements de santé français et avait formulé 29 recommandations pour améliorer l’accompagnement des patients en fin de vie et de leurs proches. On pouvait y lire que « la prise en charge de la mort ne fait pas partie des missions reconnues à l’hôpital », que « pour les soignants, la mort est vécue comme une incongruité, un échec, et à ce titre largement occultée ».

Résultat, « cette situation est préjudiciable au confort des malades en fin de vie, à l’accueil des proches et à la santé publique ». Qu’est-ce qui a changé depuis ? « Peu de choses, déplore le Pr Damy, si ce n’est qu’a été intégrée en 2021 une session de 2 heures sur la mort à la formation médicale des futurs médecins (item 14 du programme de l’ECNi) ». Jusqu’alors, elle était essentiellement abordée sous l’angle des soins palliatifs, et non comme une réalité incontournable du métier.

Des conséquences sur la santé psychique

Comment se traduisent les conséquences de cette omerta sur les soignants ? Une enquête nationale sur les soignants du cœur réalisée en collaboration avec des collègues cardiologues (GICC-SFC), chirurgiens cardiaques (SFCTV), anesthésistes réanimateurs (ARCOTHOVA) et psychiatres (FAMI-REA) – que Medscape édition française avait relayée en 2022 – avait révélé que les soignants étaient lourdement impactés. Interrogés, sous la houlette du Pr Damy, sur leur rapport à la mort et aux décès des patients en particulier, une proportion non négligeable des médecins a fait part de sa souffrance psychologique (les niveaux ayant été mesurés à l’aide d’échelles validées scientifiquement) : 45 % présentaient des symptômes importants de burn-out, 37,8 % avaient des niveaux d’anxiété et 31,1 % des niveaux de dépression qui nécessiteraient une prise en charge psychologique. 33 % des répondants présentaient un état de stress post-traumatique.

Pour le Pr Thibaud Damy, « il est temps de considérer les soignants non seulement comme des acteurs du soin, mais aussi comme des individus vulnérables face à la mort ». L’hôpital doit devenir un lieu où la souffrance émotionnelle des soignants est reconnue et prise en charge. Mais pour cela, « il faut que les soignants brisent le tabou, car finalement les institutions, les hôpitaux, les ARS, les ministères ne peuvent pas prendre en compte cet impact de la mort puisqu’il est ignoré, de la part même des soignants ».

Tour de France à pied, au cœur des hôpitaux et des territoires

C’est la raison pour laquelle le cardiologue, spécialiste de l’amylose cardiaque – qui s’est emparé de cette thématique depuis plusieurs années déjà – entreprend un Tour de France à pied, au cœur des hôpitaux et des territoires, reliant 7 hôpitaux et allant à la rencontre des soignants et des habitants pour sensibiliser les professionnels de santé, les patients et les familles aux conséquences des décès sur le personnel soignant, sur le fonctionnement des hôpitaux et sur la santé publique, fort de son expérience personnelle.

À compter du 30 mars et durant plusieurs semaines (voir encadré ci-dessous), il ira à la rencontre des soignants, des patients et des familles pour recueillir témoignages et proposer des solutions concrètes. Les objectifs de cette marche engagée à travers le territoire sont multiples : briser le silence autour de l’impact de la mort sur les soignants et ses conséquences en partageant son expérience personnelle, recueillir et partager les conséquences de l’impact de la mort sur les citoyens des territoires l’ayant vécu, créer un espace d’échange lors des réunions débats mais également inviter les soignants à marcher, pour libérer les témoignages des soignants et que la mort soit moins un tabou. Il s’agira aussi de partager et développer des solutions concrètes pour améliorer leur bien-être et mieux prendre en charge les patients et les familles.

Lancement d’un DIU

Pour transformer cette mobilisation en avancées concrètes, plusieurs mesures phares seront mises en place comme la Création d’un « collectif » : les SÛRvivants, mais aussi le lancement dès 2025 d’un Diplôme interuniversitaire (Université Paris Est-Créteil-Rennes) intitulé « Les soignants et la mort : enjeux individuels, organisationnels et de santé publique ».

L’objectif sera de « fournir des outils cognitifs et pratiques pour comprendre, analyser et gérer l’impact de la mort », indique Cédric Frétigné (sociologue, Université Paris-Est Créteil).

Constituée d’une alternance entre des conférences, des ateliers d’échanges et d’analyses de pratiques, cette formation vise un public pluriprofessionnel et pluricatégoriel, « car tous les secteurs de l’hôpital peuvent être concernés ». L’ouverture de cette formation est prévue en début d’année civile 2026 pour une première session.

Suivre sur ce lien les étapes du Tour de France à pied : ICI

– 30 mars – A Dampierre – Agnès Farrugia, directrice de l’association française contre l’amylose

– 3 avril – CHG Chartres : Réunion débat avec les soignants du cœur puis conférence

– 9 avril – CH Vendôme : Partages avec soignants dans une EPHAD puis avec le CH de Vendôme

– 14 avril – CHU Tours : Réunion débat avec les soignants du CHU puis Conférence et échanges à l’université

– 17 avril – CHU Poitiers et Polyclinique Elsan : Réunion débat avec les soignants puis conférence avec les sciences humaines et sociales

– 29 avril – CH Saintes : Impact individuel et organisationnel de la mort.

– 6 mai – CHU Bordeaux-Pellegrin : Réunion débat avec les soignants et Table ronde sur l’impact de la mort sur les soignants

– 12 mai – CHU Toulouse-Rangueil : Réunion débat avec les soignants et Conférence en fin d’après midi

Pour en savoir plus et suivre l’initiative : www.lessurvivants.org

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